Les performeuses de cabaret New-Burlesque et les joueuses de Roller Derby partagent des terrains de résistance communs et questionnent le rôle de la performativité du genre dans l’établissement de nouvelles formes de domination. Privilégiant successivement performance physique et créativité, valorisant tour à tour l’engagement politique ou la virtuosité, ces pratiques sous-culturelles sont des espaces d’empowerment et de protestation. Le Roller Derby et le cabaret New-Burlesque partagent également l’ambition, peu camouflée, de bousculer les carcans du genre et d’exposer la diversité des identités féminines. Leurs pratiques s’inscrivent en effet dans un large réseau de revendications et de mutations sociologiques allant de la libéralisation des représentations du corps à l’exposition de la sphère intime en passant par la construction de soi et les théories du genre.
Quelle qu’en soit la forme : poétique, satirique, ou kitsch, le New-Burlesque questionne toujours l’apparence et la place réservée aux femmes dans la société. Ses performeuses se constituent comme des objets de désir, réinterprètent les figures féminines façonnées par l’inconscient et la culture populaire tout en prônant une subversion des normativités androcentrées. Plus question de se soumettre aux normes d’une féminité placée sous l’égide d’un regard masculin dominant, de correspondre à ses standards de beauté ou d’oublier l’origine italienne de l’appellation Burlesque qui signifie « se moquer ». Ainsi, les artistes New-Burlesques entendent résister aux normes orchestrées par les hommes tout en renouant avec une forme de glamour qui ne se bornerait pas aux critères esthétiques d’un corps, mais dénoncerait de manière satyrique, voire transgressive, nos habitudes visuelles. La mise à nue satirique que propose le cabaret New-Burlesque est aussi celle de nos sociétés et de leurs failles.
Le Roller Derby appartient à ces nouvelles activités physiques, parfois appelées « post-sport », dont l’ambition consiste à laisser s’exprimer la personnalité des participantes tout en favorisant la construction d’une identité alternative. L’usage de pseudonymes et le choix des tenues sont donc au cœur du mouvement. Bloody Spark, Trash Poutine, Nana Fatale… dans le monde du Roller Derby il convient de se créer une identité d’emprunt inspirée de son tempérament et de détourner les stéréotypes de la féminité hégémonique. Largement porté par des groupes issus de la culture alternative, le sport fédère désormais des joueuses dans plus de six cents ligues à travers le monde. L’extrême compétitivité, le dévouement et la puissance de l’engagement physique sont des qualités requises. Intégrer une équipe de Roller Derby c’est s’associer à un réseau de pairs et partager des valeurs communes. C’est faire l’expérience d’affects traditionnellement réservés aux hommes et stigmatisés par certaines femmes. C’est exprimer son attirance envers un sport féminin au sein duquel la grâce et l’agilité ne sont pas les maîtres mots. Être une Derby Girl c’est donc chahuter les normes d’une féminité établie et refuser de souscrire à un ensemble de désignations socialement définies comme féminines.