Le feu ça brûle est une chanson du duo Charly et Lulu sortie en single en 1997. Charly (Charles Nestor) et Lulu (Jean-Marc Lubin) sont surtout connus pour avoir animé le Hit Machine sur M6 jusqu’en 2003. C’est au sein de cette émission à grande écoute que leur groupe parodique "Top Boys" interprète ce titre, parodie du succès Baby Come Back des Worlds Apart. Le duo (très populaire auprès d’un jeune public) montrait une camaraderie et une co-présence sans hiérarchie raciale apparente à une heure de grande écoute et à une époque où la télévision française restait encore largement dominée par des animateurs blancs. Pour toute une génération, c’était une image joyeuse même si leurs rôles restaient cantonnés à un cadre très mainstream, sans militance ou activisme.
Dans son article « De l’émotion publique. Le feu d’artifice d’Ancien Régime, ou la zone grise de la fête » Sylvaine Guyot interroge les rôles politiques et émotionnels du feu d’artifice depuis ses origines dans l’Ancien Régime jusqu’à la cérémonie inaugurale des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Cette fête a essuyé en France et à l’international des attaques virulentes dénonçant un soi-disant « wokisme » et s’insurgeant à propos du festin mis en scène sur la passerelle Debilly (réunissant drag-queens, figures du voguing, athlètes handis et mannequins transgenres) considéré comme une parodie blasphématoire de la Cène. Dans ce texte, Sylvaine Guyot décrit la fête pyrotechnique comme une force ambivalente : à la fois joie collective et outil de pouvoir. Avec Aya Nakamura en tête d’affiche, la cérémonie olympique incarnait cette tension. Sur le pont des arts, le feu d’artifice éclaire une France en apparence diverse, mais rappelle aussi la violence symbolique de l’ordre.
--Le numéro 13 de la revue Sensibilités intitulé « La fête, nuit et jour » explore la puissance anthropologique de la fête : ses formes, ses intensités, ses rituels et ses transgressions (depuis les bacchanales grecques jusqu’aux raves). Il interroge la manière dont la fête peut transcender les normes sociales tout en posant la question de son instrumentalisation.
Découvrir la revuePublié en 1991 "Is Paris Burning?" est un texte de bell hooks qui livre une analyse critique du film Paris is Burning de Jennie Livingston. À travers une lecture féministe et antiraciste, elle y interroge la représentation des communautés queer racisées, révélant comment le voguing et la ballroom culture sont récupérés par la société dominante. Encensé pour avoir rendu visible cette scène encore largement underground dans les années 1980, le film expose aussi cette culture à un regard blanc hégémonique. Le texte de bell hooks met en lumière les contradictions entre désir de visibilité, exotisation et résistance et pose la question du profit et du pouvoir de raconter. Qui tire profit de ces feux qui illuminent les marges ?
--Pionnière de la pensée féministe intersectionnelle, bell hooks explore les liens entre sexisme, racisme, capitalisme et impérialisme pour mettre en lumière la manière dont ces systèmes d’oppression s’entrelacent et ont des effets spécifiques, notamment pour les femmes noires dans le contexte états-uniens.
Lire le texteCe drapeau emprunte directement son texte à l’œuvre Space Poem #7 (Color Without Objects: Intra-Active May-Words) de l’artiste Africaine-Americaine Renée Green dans laquelle les mots "Yellow Melting Like a Firework Petal" font référence à la poétesse May Swenson.
--Space Poem #7 (2020) de Renée Green est une installation composée de 28 bannières suspendues. Elles arborent des motifs expressifs, des phrases poétiques et des hommages à des personnalités culturelles influentes dans la vie de l’artiste. En croisant langage, couleur et architecture, ce travail propose une réflexion poétique et politique sur la mémoire, la culture et la perception.
DécouvrirÀ la suite des émeutes de Watts en 1965, un couvre-feu strict est imposé à Los Angeles, accompagné d’une répression brutale des quartiers noirs. Dans l’ombre de cette violence d’État, dans les clubs de South Central ou les fêtes qui s’improvisent loin des regards, les danses se pratiquent et se développent comme des espaces de résistance : funk, voguing, waacking comme autant de gestes affûtés pour affirmer son existence.
Des décennies plus tard, pendant la pandémie de Covid-19, les corps sont de nouveau contraints à l’isolement. Mais là encore, les danses infiltrent les écrans, les balcons, les lieux clandestins. Les battles en ligne et les balls virtuels continuent à faire vibrer, à distance, pour revendiquer sa place. Un couvre-feu n’est jamais neutre : il est une méthode de contrôle social qui vise à discipliner les corps, à faire taire les marges et à effacer les espaces où les personnes placées en conditions de minorité se rassemblent, créent et résistent ensemble.
Le 28 août 1963, Joséphine Baker (artiste franco-américaine, militante et résistante) prend la parole lors de la « Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté » aux côtés de Martin Luther King et juste avant son célèbre discours “I Have a Dream”. Cette marche rassemble plus de 250 000 personnes réclamant la fin de la ségrégation raciale, le droit de vote et l’égalité des droits civiques aux États-Unis. Joséphine Baker est l’une des rares femmes à s’exprimer publiquement ce jour-là. Ces quelques mots sont extraits de son discours.
--Initiales, revue semestrielle publiée par l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon entre 2004 et 2010 est construite autour de « figures-source » : artistes, penseur·ses ou créateur·ices ayant « fait école ». Chaque numéro explore leur influence à travers des contributions plurielles. Le treizième numéro consacré à Joséphine Baker réunit des contributions d'Anne Dressen, Marc Plas, Sophie Orlando ou Elvan Zabunyan ; des entretiens avec Paul Maheke, Cheryl Ann Boden, Lala ou Arthur Jafa et des portfolios signés Julien Creuzet, Kara Walker, Ja'Tovia Gary ou Melissa Airaudi.
Découvrir la revueL’expression “Sell the shadow to support the shading” détourne la célèbre formule de Sojourner Truth (abolitionniste et féministe noire du XIXe siècle) qui disait : “I sell the shadow to support the substance” en parlant des autoportraits qu’elle vendait pour financer la lutte. Ici, l’ombre est à la fois l’image photographique, le portrait, mais aussi la trace laissée par les corps racisés dans l’histoire. Dans le contexte du voguing, le shading est l’art de critiquer avec style, de prendre la lumière (et donc de jeter l’autre dans l’ombre), d'affirmer sa supériorité face à un·e concurrent·e par sa gestuelle ou sa répartie. “Support the shading”, c’est honorer ces stratégies esthétiques de résistance où la performance devient un moyen de défier l’effacement. Ce jeu de mots lie la mémoire des luttes politiques pour le droit des personnes noires à la flamboyance queer en affirmant que l’apparence, le geste et l’attitude sont aussi des armes.
En anglais, shoot signifie à la fois tirer (avec une arme) et photographier. Dès lors, ouvrir le feu, c’est aussi bien ôter la vie que prendre une image. Pour les communautés racisées et LGBTQIA+ qui sont depuis toujours des cibles – de la police, des regards et des normes, cette ambiguïté n’est pas anodine. Dans l’histoire du médium comme dans le contexte politique actuel, le tir comme la photographie peuvent servir d’instrument de contrôle, de surveillance voire de destruction.
Mais il est aussi possible de renverser le geste. Ainsi se mettre en scène c’est tirer les premier·es. Non pour blesser, mais pour affirmer sa présence. Dans un monde où les corps queer et racisés sont abattus dans les rues et effacés des récits, chaque "shoot" devient un acte politique : la mise en lumière en riposte.
Combinées sur ce drapeau, ces deux expressions françaises illustrent un questionnement : au cours de l'année écoulée, la France (et en particulier Paris) a connu une vague d'expositions très médiatisées consacrées aux cultures et aux identités noires. Longtemps exclus des récits culturels dominants ou réduits à une représentation symbolique, elles occupent désormais le devant de la scène dans certaines des institutions les plus prestigieuses. Pour beaucoup, ces expositions et grandes rétrospectives marquent une reconnaissance tardive des voix et des histoires qui ont façonné le tissu culturel de la France et du monde. Mais est-ce bien le signe que les musées, les festivals et les institutions artistiques commencent à se décoloniser, c'est-à-dire à repenser leurs structures et leurs dynamiques de pouvoir ? Ou s'agit-il d'un mouvement de surface, d'un exercice de rebranding qui fait apparaître les institutions comme progressistes sans s'attaquer aux inégalités plus profondes ? Cette exposition, par son existence même, fait partie de ce processus et participe à cette question.
--Cette visibilité intense était questionnée par Seumboy Vrainom:€ (artiste vidéaste, créateur de la chaine « Histoires Crépues ») dans le discours qu’il a tenu au Palais de Tokyo en avril 2025.
Découvrir Histoires CrépuesCe feu c’est celui qui riposte, qui rassemble et qui réchauffe. Le foyer : celui de la maison, de la famille et du brasier. Les houses de voguing sont ces familles choisies, nées dans les années 1970 pour accueillir celles et ceux que leurs familles biologiques avaient exclu·es en raison de leur genre, de leur sexualité et qui confronté·es à la pauvreté, au racisme et à la violence policière ont créé des espaces de soin, d’hospitalité et de survie.
Dans Un désir démesuré d’amitié, l'autrice Hélène Giannecchini retrace l’histoire de quelques relations affectives et politiques qui structurent les communautés queer. À partir des archives photographiques de Donna Gottschalk et de récits intimes, elle raconte les manières dont l’amitié peut faire foyer et devenir une force structurante, une modalité de résistance et un abri. Ces désirs démesurés d’amitié sont au cœur des houses de voguing fondées sur l’alliance, la créativité et la protection mutuelle. Ils sont aussi au cœur de l’exposition Nous autres présentée au Bal et visible jusqu’au 16 novembre 2025.
Découvrir l'expositionIl y a les incendies réels qui, dans les années 1970, ont dévasté des maisons dans les quartiers abandonnés par les pouvoirs publics dans le Queens, le Bronx ou Harlem et il y a les queens du voguing qui embrasent le dancefloor.
Il y a le feu qui détruit et celui qui libère.Publié en 1963, le livre The Fire Next Time de James Baldwin est un essai qui engage une réflexion à la fois intime et politique sur le racisme structurel aux États-Unis. À travers deux lettres (l’une adressée à son neveu et l’autre à la société étasunienne), l’auteur dénonce les effets psychologiques de la suprématie blanche (comme Frantz Fanon avant lui), analyse la haine raciale et le rôle ambigu de la religion dans les rapports Noir/Blanc. Ce texte refuse de choisir la haine comme une réponse à la haine, mais rejette aussi les illusions d’intégration sans justice. Baldwin accuse la société blanche de refuser de considérer avec lucidité l’exploitation raciale qui jalonne son histoire, notamment son passé colonial et esclavagiste. The Fire Next Time est, aujourd’hui encore, une référence centrale des luttes antiracistes.
Ce feu discret mais tenace, têtu et entêtant, refuse de se laisser éteindre ou de briller pour plaire. Il symbolise les mémoires minoritaires qui ne cherchent pas la visibilité ; les histoires qui résistent à l’exposition et gardent leur opacité pour ne pas être récupérées ou simplifiées. C’est un feu qui couve, profondément et dans l’ombre, des récits qui échappent encore à leur capture.
--Le texte « Gâcher la fête : Pour une archive minoritaire ingouvernable », transcription d’une table ronde qui a eu lieu le 17 mai 2025 dans le cadre du festival Académie des mutantes au CAPC, publié dans le numéro estival de la revue Trou Noir (juin 2025) explore comment les célébrations publiques (festivals, expos, cérémonies, etc.) peuvent devenir des lieux où s’élaborent des archives opaques et insoumises où les récits marginalisés ne se laissent pas récupérer.
DécouvrirFIRE!! est une revue littéraire Africaine-Américaine radicale, fondée en 1926 à Harlem par un collectif de jeunes artistes dont Langston Hughes, Zora Neale Hurston et Richard Bruce Nugent. Publiée en un seul numéro (récemment traduit en français), elle marque une rupture générationnelle au sein du mouvement "Harlem Renaissance" en revendiquant une esthétique provocatrice, queer et populaire. Son titre évoque aussi bien un feu de révolte, qu'un désir de renouvellement artistique, littéraire et de profonds changements sociaux et politiques. Éphémère mais puissante, la revue est aujourd’hui considérée comme un manifeste de l’avant-garde noire.
Découvrir l'édition dans sa version françaiseLe terme « chaumière » ne fait pas ici seulement référence à la maison, c’est aussi « La petite chaumière » : l’un des premiers cabarets travestis de Montmartre, fondé en 1919 rue Berthe et incendié dans les années folles.
--Céline du Chéné propose de découvrir l’histoire transgressive des cabarets dans LSD - La série documentaire
Écouter le podcastDans A Burst of Light and other essays, l’autrice et activiste Audre Lorde (figure majeure du féminisme noir, lesbien et décolonial étasunien) évoque un corps-lumière qui traverse l’écriture. Elle note : "I am going to write fire until it comes out my ears, my eyes, my noseholes – everywhere. Until it’s every breath I breathe. I’m going to go out like a fucking meteor." Il ne s’agit pas d’écrire sur le feu (la colère, l’injustice, le désir, la lutte), mais d’écrire en feu.
Ce drapeau fait d’abord référence à la House of Ebony, l’une des plus célèbres maisons de voguing fondée à la fin des années 1970. Il évoque aussi Ebony Cham, finaliste de la Star Academy pour la saison 2023-2024 et dont la participation a été ponctuée d'attaques racistes et sexistes sur les réseaux (un exemple récent de misogynoir française). Enfin, il renvoie à la revue nord‑américaine Ebony fondée en 1945 par John H. Johnson qui visait à représenter la vie quotidienne des Africain·es‑Américain·es, absent·es des représentations médiatiques « grand public ».
Dans les mythologies occidentales, le dragon est présenté comme une créature à combattre ou à dompter. Il symbolise l’autre, le « sauvage », le désordre et ce qui échappe au contrôle de l’ordre patriarcal, religieux ou impérial. Il est l’obstacle à vaincre. Respirer le feu, c’est vivre en dragon.